Le Père Ange Le Proust
« Quoique le P. Le Proust n’appartienne pas à la Bretagne par sa naissance, elle a cependant le droit de le compter au nombre des pieux personnages qui, par leurs vertus, l’ont illustrée »
(extrait de La Vie des Saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans cette province, par Dom Guy-Alexis Lobineau, édition revue et augmentée par l’abbé Resvaux, 1838)
Pierre Le Proust naquit à Châtellerault le 3 décembre 1624. Ses parents, Loys Le Proust et Marye Magaud, sont issus de vieilles familles poitevines. Sur leurs neuf enfants, six rentrent dans les ordres : Pierre sera augustin, trois de ses frères seront capucins, et deux de ses sœurs iront dans la Congrégation de Notre-Dame à Châtellerault. Les trois autres enfants se marient.
En 1627, la famille se fixe à Poitiers où Loys Le Proust devient Procureur au Présidial. Les détails manquent sur la jeunesse du Père Ange. Son petit-neveu le Père Nivard, augustin lui aussi, relate qu’il fut un écolier « à l’esprit vif et pénétrant, doué d’une mémoire heureuse », et que les régents « le proposaient comme un modèle de diligence et d’exactitude, et un exemple de piété », entrainant au bien ses condisciples. Ses parents donnaient par ailleurs à leurs enfants « de précieux exemples de vertu » : foi profonde, amour de l’Eucharistie, compassion envers les pauvres et les malheureux.
Dès l’âge de 15 ans, il frappe à la porte des Augustins : vu son âge, le Prieur lui demande d’attendre quelques mois, en continuant ses exercices de piété et de charité. En 1640, il est admis comme postulant, et en 1641, il entame son noviciat sous le nom d’Ange. Pendant son noviciat, il lit la vie d’un confrère de l’ordre de Saint-Augustin, Thomas de Villeneuve, religieux espagnol devenu, malgré lui, archevêque de Valence (Espagne), dont le procès de canonisation est en cours. Il admire l’ardente et active charité de ce prélat envers les pauvres de son diocèse, et plus encore sa grande piété envers le Saint Sacrement. Il le prend dès lors comme modèle et protecteur.
Profès le 25 mars 1642, il poursuit ses études et est ordonné prêtre en 1649. Il a 28 ans lorsqu’il arrive pour la première fois à Lamballe (Côtes-d’Armor) en septembre 1652, comme professeur de philosophie puis visiteur. Il y découvre le petit Hôtel-Dieu ; les malades sont dans un si lamentable état, qu’il en éprouve une grande émotion. Mais en 1655, il doit regagner Poitiers pour y enseigner la théologie.
En 1658, Thomas de Villeneuve est canonisé et de grandes fêtes sont organisées dans tous les couvents de l’Ordre. L’année suivante, le Père Ange est nommé à 35 ans prieur du couvent de Lamballe. Le nouveau prieur organise alors des festivités en l’honneur de Saint Thomas de Villeneuve. C’est au cours d’une adoration du Saint Sacrement qu’il reçut « l’illumination » de ce qu’il devait entreprendre pour remédier à l’état des pauvres de l’Hôtel-Dieu : « il faut des cœurs de femmes, toutes données à Dieu, pour vivre avec les pauvres de l’Hôtel-Dieu, les soigner et les entourer d’amitié, leur faisant ainsi découvrir l’amour dont Dieu les aime ».
Après avoir pris conseil notamment auprès de l’Évêque, Monseigneur Denis de la Barde, négocié avec les autorités locales et célébré la messe chaque jour pendant un an, un contrat est passé le 16 février 1661 devant Maître Le Provost, notaire général en Penthièvre. Les premières dames de sa société arrivent officiellement à l’Hôtel-Dieu de Lamballe le 2 mars suivant.
En 1665, Le Père Ange est rappelé à Paris comme professeur de théologie au couvent des Petits Augustins. Jusqu’à son départ, il continue la formation de ses filles qui bénéficient de ses conseils et de son expérience. Par la suite, l’activité du fondateur se partagera entre l’Ordre de Saint-Augustin et sa Société.
En 1671, le Père Ange devient provincial de la province de Bourges, puis définiteur en 1674 de cette même province et enfin premier définiteur à Paris en 1679, tout en continuant toutefois un important travail administratif pour faire reconnaître sa fondation aussi bien légalement (obtention des lettres patentes du roi en 1671) que religieusement (érection de la société en Congrégation du Tiers-Ordre de Saint Augustin en 1683).
En 1693, le Père Ange regagne Paris définitivement, et réside désormais au couvent des Petits-Augustins (actuelle École des Beaux-arts, rue Bonaparte). Cette même année, le Père Ange écrit une lettre aux religieuses des maisons de Brest, vrai résumé de l’idéal qu’il propose à « ses chères filles ».
Il cherche alors à faire venir sa congrégation auprès de lui en région parisienne. Quatre communautés sont ainsi créées sur Paris dans les dernières années de sa vie, dont un hospice à Vaugirard en 1694 où il fait bâtir une chapelle ; au total en 1697, ce sont 33 communautés qui sont créées, entre la Bretagne, le Poitou, et l’Île-de-France. Mais la santé du Père Ange se dégrade de plus en plus. Alité quelques mois en 1697, il témoigne ainsi de sa vie : « J’ai tâché de faire, avec la grâce de Dieu, tout ce qui m’a été possible pour le soulagement des membres de Jésus Christ et la propagation de la Société. »
Il meurt le 16 octobre 1697.
Le lendemain, 17 octobre, il est inhumé dans le cloître du couvent des Petits-Augustins. Ce cloître devant être détruit en octobre 1834, la Congrégation pu récupérer ses restes. Sa tombe se trouve actuellement à la chapelle de la Maison-Mère à Neuilly-sur-Seine.